Mars 2024
Germaine Chesneau, une Juste drômoise
Pour faire résonner ensemble les 80 ans de la Libération et la journée internationale des droits des femmes, nous avons souhaité mettre en avant une Drômoise qui, à sa manière, a résisté au bourreau allemand et au régime collaborationniste de Vichy. Pendant toute la durée de la guerre, Germaine Chesneau a accueilli plus de 120 enfants juifs à Peyrins. Un acte de bravoure qui lui a valu le titre de « Juste parmi les Nations ».
Une vie dévouée aux autres
Germaine Clément naît en 1894 à Orange dans un milieu bourgeois et libre-penseur. Son père était inspecteur dans le milieu médico-social et sa mère infirmière, ce qui a sans doute favorisé son caractère altruiste. Après des études dans le domaine agricole, elle exerce pendant la Grande Guerre en tant qu’infirmière. D’abord à l’hôpital militaire de Lyon, puis à Larressore (Pays-Basque), où elle rencontre son mari, Marcel Chesneau.
À partir des années 1930, ils s’installent dans la Drôme et fondent, en septembre 1935, « une maison d’enfants à caractère sanitaire ». Installé dans une partie du château de Peyrins, propriété de la famille Sallmard, l’établissement reçoit des enfants « fatigués, faibles ou anémiés, mais non malades », à qui le plein air de la campagne est conseillé. Activités physiques, cours, promenades et jeux rythment les journées dans un cadre arboré et confortable.
Non pratiquante, Germaine Chesneau ne propose pas d’enseignement religieux, mais elle s’attache à respecter les confessions de chaque pensionnaire. Sa tolérance et son courage vont l’amener à risquer sa vie pour celle d’enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Un refuge pour les enfants juifs
Pendant les années de guerre, le nombre d’enfants accueillis à Peyrins va considérablement augmenter, atteignant son maximum en 1943 avec 250 inscrits. Cet accroissement est d’abord dû à l’arrivée d’enfants juifs, envoyés par des œuvres caritatives telles que l’Œuvre de Secours aux Enfants (OSE) et l’Amitié chrétienne. Germaine Chesneau, veuve depuis 1939, n’hésite pas à endosser la responsabilité de ces enfants, au péril même de sa vie. Il est difficile de donner un nombre précis d’enfants juifs ayant séjourné à Peyrins. Tous n’étaient pas enregistrés dans le cahier d’entrée, quand d’autres voyaient leur nom « francisé ». On estime qu’ils furent environ 120 enfants plus quelques adultes, dont Nicolas Bernard, petit-fils du romancier Tristan Bernard.
Dans cette entreprise de sauvetage, Germaine Chesneau ne fut pas seule et bénéficia de la complicité des habitants, qui fournissaient de quoi se chauffer, dormir et manger, ou gardaient simplement le silence. Des professeurs du collège de Romans venaient enseigner aux plus grands. Lorsque les Allemands réoccupent Romans le 27 août 1944, un employé du commissariat de police part prévenir Germaine Chesneau. Pendant plusieurs jours, les enfants vont coucher dans un grenier à blé à 1,5 kilomètres du château. Enfin, à l’annonce de l’avance des Alliés et du retrait des troupes ennemies, tout le groupe revient vers le 3-4 septembre.
La guerre finie, l’Oeuvre de Secours aux Enfants vient chercher les enfants dont les parents ne sont pas revenus des camps, tandis que les quelques autres retrouvent leur famille. Aucun, nul doute, n’oublia Germaine Chesneau ni son séjour au château.
« Juste parmi les Nations »
En 1969, Haya et Pinhas Spielman (inscrits sous les noms d’Hélène et Paul Sauvageon) ont entamé les démarches pour que Germaine Chesneau reçoive le titre honorifique de « Juste parmi les nations ». La demande doit émaner d’un tiers et se baser sur le témoignage d’un survivant ou sur des documents. Pour être reconnu Juste, il faut avoir risqué sa vie, sa liberté ou sa sécurité, pour sauver un ou plusieurs Juifs, sans avoir demandé en retour de compensation.
Depuis 1953, le titre de Juste est décerné au nom de l’État d’Israël par le mémorial de Yad Vashem, construit en mémoire des victimes de la Shoah. En signe de reconnaissance, chaque Juste reçoit une médaille et a l’autorisation de planter un arbre en son nom dans l’Allée des Justes sur le Mont du Souvenir, à Jérusalem.
Actuellement, 89 Justes sont recensés dans la Drôme, avec une proportion importante à Romans-sur-Isère et Dieulefit.
Sources
Archives
Le fonds 1 Num 1270/1-301 concerne les archives du château de Peyrins et de Germaine Chesneau. En 2015, il a été prêté pour numérisation par les filles de cette dernière, Marianne Ferrero et Andrée Vignard.
Bibliographie
BH 6047 Danielle Bertrand, Jean Sauvageon, Jacki Vinay, Germaine Chesneau, une grande dame, ANACR, Comité de Romans-Bourg-de-Péage, 2016.