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Introduction de l'instrument de recherche.
Suze-la-Rousse, aux confins des départements de la Drôme et du Vaucluse, a conservé un remarquable château-fort remanié aux XVIe et XVIIIe siècles, qui fut le siège de la plus importante seigneurie de la région.
Transmis depuis le XIIIe siècle, sans avoir jamais été vendu, des princes des Baux aux Saluces, aux La Baume-Suze, aux des Isnards et enfin aux de Witte dont la dernière descendante, la marquise de Bryas, mourut sans descendance en 1958 en le léguant à une institution charitable, il fut en 1964 cédé par celle-ci, l’Institution des Orphelines d’Auteuil, au département de la Drôme qui y a installé une université du Vin.
Les Archives départementales de la Drôme se virent à cette occasion attribuer l’importante bibliothèque constituée au début de ce siècle par Jehan de Witte, historien et collectionneur, ainsi que les archives qui font l’objet du présent répertoire. Ces dernières y reçurent la cote 7 J.
Bien que déjà utilisé par plusieurs chercheurs et même partiellement publié [1] , ce fonds n’avait pas fait l’objet d’un instrument de travail, à l’exception d’un répertoire «topographique» [2] dressé en mai 1960 par l’archiviste départemental, M. Burckard, mais que le déménagement du fonds à Valence rendait à peu près inutilisable.
Le manque de temps empêcha son successeur, M. Renaudin, de reprendre cette tâche, au moment où les travaux de restauration du château entrepris par le Conseil Général de la Drôme auraient rendu souhaitable un accès facile aux renseignements que le fonds pouvait receler sur les aménagements effectués au cours des siècles.
M. Ermisse, actuel directeur des Services d’Archives, me fit donc consacrer le temps du stage pratique d’Archives au classement du fonds et à l’élaboration d’un premier instrument de recherche. La conception de celui-ci se ressent naturellement du faible délai imparti : l’ancienneté et l’intérêt du fonds auraient justifié des analyses plus poussées des dossiers que son volume relativement réduit rendait possible ; les liasses de papiers d’ «état civil», celles de pièces diverses réclamaient un inventaire pièce à pièce qui, souvent effectué par M. Renaudin sur les chemises, n’apparaît pas dans le répertoire qui suit.
On ne trouvera donc ici qu’un répertoire détaillé où, sans renoncer à signaler les pièces importantes ou inattendues, je me suis surtout attaché à mentionner les actes qui éclairaient la structure du fonds, et en particulier les contrats de mariages et les testaments isolés.
Ce parti-pris conduit malheureusement à éliminer des analyses beaucoup de noms de personnes et de localités mentionnés dans les actes, de sorte qu’il a paru provisoirement inutile de compléter ce répertoire d’un index qui, laissant dans la pénombre une grande partie du fonds, aurait plutôt constitué une cause d’erreur qu’une aide pour le chercheur.
Tel quel, ce répertoire n’est donc que l’ébauche d’un instrument de travail plus détaillé à venir ; il doit cependant donner un reflet fidèle de la structure du fonds, et permettre par cela une recherche aisée et rapide.
Non inventorié mais, comme il est dit plus haut, déjà utilisé par des curieux et des érudits, le fonds avait été minutieusement déclassé par ses utilisateurs successifs. Les liasses de procédures et les papiers domaniaux grossièrement attribués par des étiquettes à des individus regroupés approximativement entre les familles La Baume, des Isnards, Veri et Eydoux, présentaient encore un ordre relatif, mais toutes les pièces remarquables en avaient été systématiquement extraites pour constituer des dossiers de pièces généalogiques, d’autographes, de distinctions honorifiques ou simplement de «papiers intéressants» ; les dossiers initiaux, privés des documents explicatifs, devenaient difficilement compréhensibles, ceux créés de cette façon sans aucun souci de provenance ne reflétaient pas la structure originelle du fonds.
La reconstitution de cette structure fut atteinte par l’analyse préalable des dossiers initiaux. Une fois le cadre de classement établi, la réintégration des pièces distraites vint le confirmer ou le modifier en permettant de préciser l’analyse des dossiers.
La composition de ceux-ci rend compte de leur classement : peu de gros dossiers de gestion, pas de séries continues de papiers domaniaux, mais un assez grand nombre de petits fonds familiaux, ou «papiers de famille», et «papiers d’affaires» étaient souvent inextricablement confondus. Pour retrouver une structure simple, il fallut donc classer «hiérarchiquement» ces familles et élaborer un cadre de classement étroitement dépendant de la généalogie des possesseurs de Suze-la-Rousse.
La division en quatre parties, finalement retenue, n’est que partiellement chronologique. Le trait marquant de la structure du fonds est en effet de juxtaposer deux ensembles de papiers anciens d’importance comparable, auxquels s’ajoutent ceux ces derniers propriétaires du château. Ce sont :
- Les papiers des La Baume-Suze, seigneurs de Suze depuis le XVIe siècle jusqu’à la Révolution.
- Les papiers des Des Isnards, famille du comtat, tout à fait indépendante de la première (également du XVe jusqu’au début du XIXe siècle).
- Les papiers des Des Isnards-Suze, héritiers des deux précédents par le mariage en 1796 d’Aldonce-Marthe-Marie-Julie de la La Baume-Suze et de Gabriel-Joseph-Martial Des Isnards.
- Les papiers des Witte, suite chronologique de l’ensemble précédent.
A chacune de ces parties viennent s’adjoindre de moindres fonds, acquis par héritage ou par achat. Les circonstances du rattachement au fonds de Suze-la-Rousse sont ordinairement indiquées rapidement dans le répertoire ; mentionnons cependant les principaux :
- Fonds Veri : Aux papiers Des Isnards, se rattachent ceux des Veri. Gabriel-Joseph-Martial Des Isnards était le petit-fils de Jeanne-Madeleine de Veri-Canove, mais il semble que le fonds Veri lui soit échu moins par héritage que par achat à une autre branche que celle dont il descendait, celle des Veri-Rainouard. A ces papiers Veri, tiennent les fonds Pons, Raimond de Modène.
- Fonds Astoard de Cheminades : Marie-Anne d’Astoard de Cheminades était la mère de Gabriel-Joseph-Martial Des Isnards, et lui transmit avec le fonds de sa famille deux petits ensembles distincts, les papiers Proyet et Eydoux, qui paraissent lui être parvenus par achat.
Ce cadre simple présente toutefois une faiblesse qu’il convient de signaler. Le noyau du fonds, la jonction entre les ensembles sans lien à l’origine des La Baume-Suze et des Des Isnards, est constitué par le couple déjà nommé d’Aldonce de La Baume-Suze et de Gabriel Des Isnards, qui occupent ici une place centrale ; il faudra aller rechercher les actes qui les concernent, suivant l’origine des biens, du côté La Baume ou du côté Des Isnards et du côté Des Isnards-Suze pour leurs actes d’état civil et leurs papiers personnels.
Fonds de Witte : Présente un caractère particulier. Jehan de Witte, historien distingué, rassembla une collection dont certaines pièces concernent Suze, et d’autres non ; toutes se retrouveront à ce chapitre qui, venant en fin de liste, a également recueilli les annexes, cartes et photographies, qui sont d’ailleurs de cette époque.
J’ai aussi attribué Jehan de Witte le fonds Dupilhon d’Angelle, qui pose problème. Les documents qui le composent étaient à l’origine dispersés, soit parmi les papiers Des Isnards, soit parmi les dossiers factices, ce qui s’explique fort bien, puisque ce fonds se compose principalement des actes de la correspondance de Jean Des Isnards, capitaine de l’Isle-sur-Sorgue au XVIe siècle, et propre frère d’Helen Des Isnards dont les descendants ont toujours conservé le fonds. Au contraire, les biens de Jean Des Isnards passèrent par sa fille à la maison de Fougasse, de là à celle d’Angelle, et étaient encore la possession de cette dernière en 1774, date à laquelle Joseph-Henri Des Isnards obtint de se les faire confier pour en obtenir copie sur les registres de la Rectorie de Carpentras [3] . Les garda-t-il ou leur intégration aux archives Des Isnards date-t-elle du temps des acquisitions de Jehan de Witte ? Je n’ai pas connaissance d’argument pour ou contre.
Intérêt du fonds
Les archives de Suze-la-Rousse sont à la fois décevantes, et, comme tant de fonds privés, fertiles en ressources inattendues.
On n’y trouve rien sur les premiers seigneurs du château, avant le XVe siècle, et assez peu de choses sur les La Baume-Suze. Pour ces derniers, les espérances donneront la mesure de la déception : qu’il suffise, sans retracer l’histoire de cette maison [4] , de noter qu’outre une foule d’évêques, elle a produit les plus remarqués des capitaines catholiques du Sud-Est lors des guerres de religion et que son influence consacrée par de hautes alliances, en particulier avec la maison de Lorraine, déborde largement le cadre local.
Qu’en reste-t-il dans les archives de Suze-la-Rousse ? Une belle série de papiers de famille, contrats de mariages et testaments, assortis de quelques inventaires après décès, quelques bribes de titres féodaux et de papiers domaniaux ; mais rien sur leurs dignités, leurs relations avec la cour, l’armée et les pouvoirs provinciaux, rien sur le rôle politique et social de cette famille éminente.
A quoi tient cette pauvreté d’un château qui, comme M. Burckard en faisait la remarque, a traversé les siècles sans être vendu ? Les destructions de l’époque révolutionnaire viennent aussitôt à l ‘esprit, et un texte de peu postérieur à cette période conforte cette hypothèse : «Il est prouvé que tous les actes et papiers anciens de la famille qui se trouvaient dans le château de Suze avaient été incendiés pendant les orages de la Révolution» [5] et plus loin «Les papiers enfermés dans les archives du château de Suze remplissaient trois grandes pièces, entre plusieurs caisses pleines d’anciens titres qui étaient éparses dans le château» [6] et dont rien ne serait resté.
Il convient toutefois d’être prudent. Ce mémoire judiciaire a toutes raisons d’être tendancieux et ses assertions toutes chances d’être exagérées. Tout d’abord, on ne peut manifestement pas parler de destruction totale du fonds de Suze-la-Rousse, à moins de supposer que l’actuel fonds de La Baume ne provienne pas du château ; et leur énorme volume initial cadre mal avec ce que l’on sait de son aménagement, s’il est vrai qu’une seule pièce contenait les archives et la bibliothèque. Surtout, il faut noter que les mémoires imprimées à la veille de la Révolution lors des procès entre le seigneur de Suze et la communauté du lieu citent déjà fort peu de pièces anciennes que toutes ces pièces sont actuellement conservées ; il faut donc que ces titres féodaux, pourtant les premiers voués à la destruction, aient été conservés avec scrupule, et des pertes se soient produites avant la fin du XVIIIe siècle. On est donc contraint de conclure que la destruction ou la disparition, manifeste, du chartrier de Suze n’est pas actuellement datable avec précision, et que s’il fut pillé lors du début de la Révolution ou quand Pierre-Louis de La Baume fut considéré comme émigré, et qui est très possible, le ravage n’a été ni systématiquement, ni total.
Quoi qu’on pense de ces circonstances, le pillage du chartrier est néanmoins attesté par l’existence ailleurs que dans le fonds actuel de documents qui paraissent en provenir. Les 24 et 25 avril 1972, passait en salle Drouot un lot d’une centaine de pages de documents concernant les La Baume-Suze entre 1525 et 1695 ; leur contenu, comptes, lettres et procédures, était complémentaire de celui des actes conservés. Sans doute en provenaient-ils [7] .
Les papiers de La Baume, malgré leur intérêt, ne sont donc qu’une épave du fonds primitif, et ne suffiraient pas à établir l’histoire de la famille que leur descendante la marquise de Bryas, dernière propriétaire de Suze-la-Rousse, appela de ses vœux dans son testament. Complétées par les fonds Des Isnards, les archives de Suze présentent cependant, sinon des séries importantes, du moins un certain nombre de pièces isolées dont il faut faire mention.
La plus ancienne est la copie, avec monogramme figuré d’un diplôme de Frédéric Barberousse pour l’église d’Avignon le 8 des calendes de décembre 1157, et extraite au début du XIXe siècle du cartulaire de l’archevêché d’Avignon pour un procès où il était nécessaire de faire la preuve du droit particulier qui avait régi la seigneurie de Bédarrides [8] .
D’un plus grand intérêt peut-être, le livre des recettes de la terre de Modène, qui commence en 1384 [9] et le cahier de comptes de Guilhem Ramade, vers 1530, le dernier en latin et en occitan, concernent tous deux le Comtat. D’autres pièces du début du XVe siècle sont conservées dans les «papiers de famille» des La Baume-Suze et des Des Isnards.
Pour consoler de la perte de la correspondance des La Baume, les papiers de Jean Des Isnards, capitaine de L’Isle conservent une belle série de lettres autographes de François II, Charles IX et Henri III, du duc de Guise, de Montmorency-Danville et que quelques autres personnages de moindre éclat, sur la conduite des guerres de religion en Provence et l’occupation française du Piémont.
Plus tard, les questions religieuses du règne Louis XIV apparaissent à travers le petit fonds d’Anne-Tristan de La Baume-Suze, archevêque d’Auch [10] , et les conceptions historiques de la fin de l’Ancien Régime à travers les factums très argumentés que firent rédiger juste avant la Révolution le seigneur et la communauté de Suze sur les droits respectifs [11] .
La collection de mémoires juridiques rassemblée par Martiel-Henri Des Isnards [12] et la correspondance de Jehan de Witte apporteront aussi des précisions dans des domaines étrangers à l’histoire de leur famille.
Mais le principal attrait du fonds est constitué à ce point de vue par les papiers de l’abbé de Veri, mémorialiste, dont l’œuvre est une source de premier plan pour l’histoire de la fin de l’Ancien Régime [13] . A côté de son journal, de nombreux écrits témoignent encore des curiosités de ce type achevé de l’ecclésiastique du siècle des Lumières.
Notes de bas de page de l'introduction.
[1] «Journal de l’abbé de Veri» publié avec une instruction et des notes par le baron de Jehan de Witte. Paris, 1930, 2 vol. (jusqu’en 1782).
Duc de Castries, l’abbé de Veri et son journal dans la Revue de Paris, novembre 1953, p. 76-93 (extraits de 1782 à 1785).
[2] et publié, sans l’aveu de son auteur, dans Mémoires de l’Académie Delphinale, 6e année, n° 53, 7e série, décembre 1961.
[3] Vicomte de Rosière, Les Isnards, Blois, 1897, p. 48 note b ouvrage très complet.
[4] En l’absence d’étude récente, on se référera au Père Anselme et aux ouvrages généalogiques provinciaux voir aussi : Lettres inédites du Comte de Suze d’après les manuscrits autographes de la bibliothèque de S. M. l’Empereur de Russie, éditées par le Comte E. de Barthélémy, extrait du Bulletin de la Société Académique du Var, Paris, Champion, 1878, 17 p.
[5] Mémoire imprimé par Aldonce-Marthe-Marie-Julie de La Baume, comtesse de Suze, et M. le Comte Gabriel-Joseph-Martial Des Isnards, son mari, chevalier de Saint-Louis et de Jérusalem, contre les héritiers de la dame de Valernot. Grenoble, 1827, p. 13.
[6] Ibib, p. 76.
[7] Il n’est pas non plus exclu qu’une partie au moins de l’actuel fonds La Baume ait été acquise assez tard, par exemple par Jean de Witte particulièrement les pièces concernant Anne-Tristan de La Baume, archevêque d’Auch, qui n’ont pas de lien avec Suze ; En l’absence d’indice probant, elles sont restées dans le fonds La Baume où je les avais trouvées.
[8] On le trouvera en II A 4 d, dans les papiers de Martial-Henri Des Isnards.
[9] Fonds de Raimond de Modène, II C 3 c.
[10] I a 1 c on notera par ailleurs la réjouissante harangue par laquelle fut saluée la première entrée dans sa cité archiépiscopale.
[11] I à 2 a.
[12] II A 3.
[13] Sur ce personnage, on se référera à l’introduction par Jehan de Witte de l’édition de son journal citée plus haut.
Cote/Cotes extrêmes
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Cote/Cotes extrêmes
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Cote/Cotes extrêmes
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Fonds Ramade. Parvenu aux Des Isnards par le mariage de Françoise de Seguins avec Henri Des Isnards. Françoise de Seguins était alors veuve et héritière de son premier mari, Joseph-François de Ramade-Sadolet, et héritière de son fils également nommé Joseph-François, mort sans postérité. Environs de 1530 Livre de comptes de Guilhem Ramade, de Séguret, rédigé en latin et en occitan. 1588-1698 Papiers d’affaires des familles Ramade, Chabert, Brémond et Lioutard ; ont fait en juin 1687 l’objet d’un inventaire par Chabert, notaire (1689-1698, transactions de Françoise de Seguins avec Justinze de Ramade, fille d’Etienne et de Louis de Guiramand, femme de Paul de Lopis, seigneur de Pitoubaud).
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