Issus d'une famille installée à Tain-l'Hermitage depuis le XVIe siècle, les membres de la famille Deloche, dont les papiers ont été donnés aux Archives départementales par Paul Gambert de Loche à partir de 1958, sont presque tous des hommes de loi. Tour à tour notaire (François), avocat (Étienne-Jean), lieutenant de justice et avocat au parlement de Grenoble (Charles-Marcel), avocat (Joseph-Clément-Marie) et juge de paix (Joseph-Marcel), ils participent souvent en outre à la gestion des affaires communales, comme échevins ou consuls avant la Révolution, puis comme proches collaborateurs du conseil municipal.

Des Deloche d'Ancien Régime, le plus intéressant est sans doute Charles-Marcel. Lieutenant de la judicature de Tain et comté d'Albon jusqu'en 1783 - date à laquelle son office lui est retiré pour être confié à Louis-Étienne Bergier -, il exerce surtout d'importantes responsabilités au service de la communauté de Tain : il la représente au cours des innombrables procès qui l'opposent à ses voisins ; il en tient les comptes et surveille en son nom les travaux que rendent nécessaires les fréquentes crues du Rhône.

À la Révolution, il renonce à ces charges pour devenir administrateur du département de la Drôme et s'attache en particulier à défendre sa ville natale en proposant des aménagements de la nouvelle carte administrative dessinée en 1790. À partir de 1791, cependant, il est peu à peu mis à l'écart. En janvier 1794, il est même arrêté

Libéré en juin, il devient commissaire aux emprunts pour les subsistances et tente, à ce titre, d'organiser le ravitaillement de Tain, menacé par la disette. Il meurt sept ans plus tard.

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Des causes de la mise en accusation de Charles-Marcel Deloche, la fuite de son frère Claude-Fortunat est sans doute la plus évidente. Prieur et curé de Tain depuis 1742, le bénédictin avait pourtant joué un certain rôle dans les événements de 1789. Représentant du clergé local, il avait présidé le 3 février 1790 l'assemblée chargée d'élire le conseil général de la toute nouvelle commune. Mais son refus de prêter serment à la Constitution cause un an plus tard son remplacement à la tête de la paroisse. En septembre 1792, il s'exile à Fribourg, où il meurt en 1794.

Les papiers qu'il a laissés ne révèlent rien de sa vie sous la Révolution. Ils montrent surtout son ardeur au combat judiciaire et son goût pour la procédure, dirigés tant contre les curés voisins que contre ses supérieurs. Les archives de la paroisse qui sont mêlées à ses papiers livrent néanmoins de précieux renseignements sur la cure de Tain au XVIIIe siècle.

Il faut les compléter par les pièces justificatives de certains procès, et en particulier de celui qui oppose Claude-Fortunat Deloche au curé de Larnage (23 J 11). On y trouve, par exemple, l'inventaire après décès de Jean-Aymard Bergier, curé de Tain, et des procès-verbaux de visites d'archevêques et d'archiprêtres (Cf 23 J 8).

Après la Révolution, la situation des Deloche ne change guère. Joseph-Clément-Marie reprend les terres et le métier de son père. Intéressé lui aussi par les affaires de la commune, il semble cependant avoir été essentiellement occupé par les innombrables procès privés auxquels il est mêlé - et dont les dossiers constituent l'essentiel des papiers qu'il a laissés.

Joseph-Marcel Deloche, enfin, dernier membre de la famille (Sa fille unique, Marie-Élisabeth, épouse en 1874 Paul-Guillaume Gambert.), est juge de paix du canton de Tain. À ce titre, il est, semble-t-il, chargé d'instruire l'affaire qui agite vers 1860 la municipalité de Tain : le maire, Mure de Larnage, accusé de malversations, est contraint en 1861 à la démission. Les lettres conservées ici complètent le dossier de correspondance entre Joseph-Marcel et le procureur conservé dans la sous-série 13 M (Sous la cote 13 M 323, dossiers 1861 et 1863.).

Outre les papiers de la famille Deloche, on trouve dans la sous-série 23 J quelques épaves des archives des familles Badel du Noyer, Monier de la Sizeranne et Rouveyre. À l'exception de la dernière (Joseph-Clément-Marie Deloche a épousé une demoiselle Rouveyre.), ces familles n'ont pas de liens apparents avec les Deloche. Peut-être Charles-Marcel fut-il le procureur de Marianne Badel du Noyer; mais rien dans les papiers conservés ne permet de l'affirmer.

On pourrait de la même manière expliquer la présence dans ce fonds de l'imposant dossier du procès qui oppose Jeanne-Marie des Cordes de Cordoüe à Jean-François Menet

23 J 42 à 46.

. Des dizaines de lettres conservées, aucune, cependant, n'a Charles-Marcel Deloche pour expéditeur ou destinataire.

Ainsi il y a surtout dans la sous-série 23 J des archives judiciaires. Dossiers de procédure, mais surtout mémoires et notes, constituent un témoignage intéressant des méthodes de travail utilisées par les hommes de loi de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Au hasard des fonctions exercées par les Deloche, on trouve encore des archives de la judicature de Tain - registre d'audiences de la fin du XVIIe siècle

23 J 3.

ou de plaintes du milieu du XVIIIe siècle

23 J 14.

.

Propriétaires fonciers, en particulier au coteau de l'Hermitage, berceau du célèbre vin de Tain, les Deloche livrent aussi dans leurs comptes des indications précieuses sur l'économie et la société de leur petite ville. Comptables souvent méticuleux, ils notent jour après jour les sommes versées aux ouvriers agricoles

23 J 22.

le prix des vêtements et des denrées de base

23 J 5.

ou le produit de leurs vignes

23 J 13.

.

Don du Commandant Paul Gambert de Loche.

Mais ce fonds a bien sûr essentiellement un intérêt local. Installés pendant deux siècles à Tain, les membres de la famille Deloche donnent tous des renseignements précieux sur la vie de leur commune. L'histoire politique, économique et sociale de Tain s'en trouve, sinon renouvelée, du moins enrichie. Et, au hasard des documents qui se sont ajoutés au cours des siècles aux papiers de la famille

On les a classés, faute de mieux, dans la rubrique ''divers''.

, on découvre la description d'une pièce de vigne au milieu du XVIIe siècle

23 J 50.

, un acte de location du moulin banal de Tain au début du XVIIIe siècle

23 J 50.

, des tracts électoraux de la monarchie de Juillet ou une affiche prescrivant la lutte contre les chenilles

23 J 48.

. Parfois même, la correspondance des Deloche recèle de petits trésors - ainsi cette lettre décrivant l'introduction du gaz d'éclairage à Romans, illustrée de dessins à la plume

23 J 34.

Si cette très grande diversité fait dans une certaine mesure la richesse du fonds Deloche, elle rend la synthèse extrêmement difficile - sinon impossible. Et la description de documents disparates confine souvent à l'analyse pièce à pièce, que nous avons conservée quand elle nous semblait justifiée.

La relative modicité du fonds (1,85 ml), par ailleurs, permettait de donner un assez grand nombre de détails sans alourdir outre mesure l'inventaire. Aussi a-t-on jugé utile de citer, par exemple, les parties des procès ou de dépouiller les registres de plaintes.

La structure familiale du fonds, enfin, rendait presque nécessaire le classement par membres de la famille. Pour chacun d'eux, on a strictement séparé papiers privés, dossiers professionnels et témoignages de leur vie publique.

Fonds communicable.

Archives départementales de la Drôme.

• série B
• B 1879 à B 1893 : fonds de la judicature de Tain, 1675-1789.

• série E
• E Papiers de famille - E 642 : famille Deloche, 1739-1789. Ces pièces concernent pour la plupart Charles-Marcel Deloche.
• E Notaires - 2 E 7757 à 2 E 7769 : étude de Claude Deloche, 1693-1733.

• série M
• 13 M 323 : Cet article concerne, entre autres, l'affaire de la démission du maire Mure de Larnage et contient de nombreuses lettres adressées par Joseph-Marcel Deloche au procureur impérial.

Archives communales de Tain.

• Les Archives communales de Tain conservent de nombreux documents concernant la famille Deloche, notamment dans les séries BB (BB 7, BB 9, BB 10), CC (CC 29, CC 34, CC 54-58, CC 81, CC 85, CC 95) et GG (GG 11).

La ville de Tain a fait l'objet de plusieurs monographies depuis celle de l'abbé Vincent. Elles font toutes allusion à la famille Deloche.

On consultera ainsi avec profit (classement chronologique):

Spécialiste incontesté de Tain-l'Hermitage, Mgr Bellet lui a consacré de nombreux articles outre cette somme (qu'il n'a finalement pas poursuivie au-delà de la Révolution). Parmi eux, citons :

Ces ouvrages classiques sont complétés depuis quelques années par les publications (2 volumes parus à ce jour) de Claude Genest, qui traque à travers les archives les moindres traces de la vie quotidienne des habitants de Tain :

Cf. aussi 23 J 4 et 23 J 5.